MISE À JOUR SUR LE MARCHÉ DE LA VANILLE – NOVEMBRE 2018
La campagne 2018 de vanille à Madagascar a débuté officiellement le 15 octobre teintée à la fois d’optimisme (prix plus bas et une qualité grandement améliorée) et d’incertitude (floraison très lente et tardive pour 2019). Il y a maintenant plus de 140 exportateurs de vanille accrédités dans le pays, avec plusieurs personnes qui font la cueillette de la vanille avides de capitaux qui essaient de faire la transition pour devenir exportateurs. La plupart ont très peu d’expérience en matière de préparation et d’exportation de la vanille et il est fort probable qu’ils quitteront le commerce lorsque la récente crise s’apaisera. D’autres poursuivront pour devenir des exportateurs de vanille légitimes. Tel est la nature d’un marché confronté à des prix de gousses de vanille fortement majorés, une chute des volumes des récoltes et des standards de qualité en déclin; ce qui a sévèrement contribué à affecter la demande mondiale qui, jusqu’à cette récente crise, jouissait d’une renaissance globale. Tandis que les régions productrices de vanille tentent de se rétablir après avoir été à deux doigts de ne plus exister, nous croyons avoir pris le bon tournant après ce qui est peut-être la pire crise que le marché mondial de la vanille ait connu. Comme toujours, ce sera le plus grand producteur mondial de vanille, Madagascar, qui nous guidera dans la bonne voie pour la relance qui en aucun cas sera un parcours facile. Tout d’abord, un bref résumé des régions alternatives de culture.
Papouasie-Nouvelle-Guinée – Maintenir leur place
PNG continue de consolider son rôle comme étant le deuxième producteur mondial de gousses de vanille et verra probablement sa production augmenter encore plus en 2019. La vanille Gourmet (Service alimentaire) de PNG (type Tahitensis) a été accepté facilement dans les marchés européens et nord-américains, alors que l’Asie et l’Australie absorbent en grande partie la vanille PNG de qualité industrielle. Nous croyons que PNG doit promouvoir encore plus les standards de qualité et endiguer le flux de vanille de contrebande qui traverse la frontière indonésienne. La vanille PNG de contrebande a tendance à être immature et partiellement mûrie et séchée, et le processus de mûrissement se termine en Indonésie. Il en résulte une vanille très différente et possiblement un produit inférieur si on le compare à un produit séché et mûri en PNG et exporté directement de PNG. Cela sème également la confusion étant donné que la vanille de contrebande est souvent désignée comme étant du Tahitensis d’Indonésie. Afin de garantir la continuité et la cohérence de la qualité, ce qui est essentiel à l’acceptation du marché à long terme, nous croyons que PNG doit procéder à un contrôle complet de son marché de vanille ce qui pourrait ajouter plus de 250tm à sa production mondiale de vanille pour 2019.
Ouganda – Leçons tirées d’expériences difficiles?
La vanille ougandaise a été enlisée dans une chute de la qualité depuis des années malgré leur potentiel d’être une des vanilles reconnues mondialement pour la qualité supérieure. L’Ouganda est continuellement entravée par la cueillette prématurée et le manque de stratégie à long terme, ce qui en résulte que cette région n’obtient pas sa part de marché sur la scène mondiale de la vanille. Une initiative gouvernementale au début de 2018 pour aider l’industrie, pour la plupart, est tombée à plat. Des rumeurs que des gousses partiellement séchées et mûries, emballées sous vide sont exportées en Asie sont très décourageantes. Par contre, la récolte actuelle, la plus petite de 2 récoltes annuelles, démontre des signes d’amélioration. Le bruit court maintenant en Ouganda que la qualité de la vanille à Madagascar s’est améliorée donc les acheteurs internationaux seront plus exigeants et moins portés d’accepter des produits de qualité inférieure et instable en provenance de récoltes d’années précédentes. Si cette tendance se maintient, la 2ième récolte au milieu de l’année pourrait être abondante en raison de la forte floraison actuelle. On pourrait finalement voir l’Ouganda dépasser le niveau de 100tm en 2019 mais il est beaucoup trop tôt pour se prononcer.
Indonésie – Cuts, cuts et encore plus de cuts.
La production de la vanille indonésienne, une fois la vanille en contrebande de PNG supprimée de l’équation, semble axée essentiellement sur des cuts ou de la vanille de qualité inférieure, de grade EP (‘Early Picks’ / cueillies prématurément) ainsi que de grade conventionnel. Il y a toujours un marché pour ces grades inférieurs, cependant, au fur et à mesure que la crise mondiale de la vanille s’estompe, les prix devront être réduits davantage. Peut-être que le marché indonésien sera encouragé de produire une qualité supérieure alors que le paysage du marché de la vanille devient plus compétitif. Malheureusement, aussi longtemps que la contrebande en provenance de PNG continue à un rythme soutenu cette éventualité est peu probable. Nous prévoyons que l’Indonésie continuera de fournir pour la plupart de la vanille de qualité inférieure en 2019 avec un potentiel de croissance de la production en provenance de nouvelles plantations en 2019, mais peu probable d’obtenir un rendement de plus de 100tm.
Comores – En bonne voie de maintenir le cap.
Bien que la production de la vanille bourbon au Comores pour 2018 n’était pas à la hauteur des attentes en raison d’une floraison plus faible que prévue, la qualité s’est améliorée considérablement par rapport à 2017. Quoique c’est un défi de travailler avec le Comores d’un point de vue logistique, ils produisent constamment une vanille bourbon de qualité supérieure incomparable à aucune autre région. L’affaiblissement de l’euro face au dollar américain rendra la vanille des Comores plus compétitive en 2018/19.
Toujours bien en-deçà de 100tm, on s’attend à ce que la production fasse un bond en 2019. Par ailleurs, le duopole qui existe entre deux exportateurs primaires depuis de nombreuses années semble s’assouplir avec la venue de plusieurs nouveaux exportateurs sur la scène locale de la vanille.
Polynésie française – Tirant à sa fin.
Autrefois une des meilleures vanilles au monde, la vanille de Polynésie française, l’authentique vanille Tahitensis, a été reléguée à un statut de niche extrême. Une petite cabale d’exportateurs a une emprise sur la production locale qui a stagné depuis des années. Une tarification stratosphérique décourage toute croissance à l’extérieur du marché touristique local. À notre avis, il sera extrêmement difficile pour la vanille de la Polynésie française de se remettre des dommages qu’ils se sont infligés eux-mêmes sur leur marque de vanille. À moins d’un important changement de stratégie, ils subiront le même sort que la vanille mexicaine. Une tragédie quand on considère que les origines de la vanille Tahitensis et Planifolia n’ont plus aucune pertinence dans le commerce mondial de la vanille.
Madagascar – Se rétablir et limiter les dommages.
On peut dire que la récolte de vanille de 2018 à Madagascar représente le commencement de la fin de la crise mondiale de la vanille, qui s’est emparée du marché les 2-3 dernières années. Les prix ont baissé modestement et la qualité s’est améliorée grandement par rapport à 2017. Dans l’ensemble la récolte est mature et le rendement de la vanilline affiche une croissance significative par rapport à la saison dernière. Plusieurs facteurs ont contribué à ce redressement. La question que l’on se pose; est-ce que cette tendance se maintiendra? Certains faits importants à considérer:
- La demande ainsi que les prix de la vanille ont commencé à baisser au début de 2018 résultant en un surplus pour la récolte de 2017 d’entre 200 – 300tm.
- Les acheteurs ayant ressenti le retournement du marché, n’ont aucunement préfinancé la récolte de 2018 dans la même mesure que 2017.
- La demande pour la vanille mûrie rapidement est considérablement à la baisse. Cette pratique contribuait énormément à la campagne de vanille verte en 2017.
- En raison des problèmes de qualité en 2017 et le retour à Madagascar de plusieurs lots de vanille rejetés, il y a eu un effort concerté d’éviter de récolter la vanille verte prématurément.
- Finalement, à l’approche d’élections nationales et l’incertitude politique, il en résulte que la monnaie malgache, l’Ariary, est à son plus bas contre le dollar américain, ce qui contribue à la stabilité des prix de la vanille.
Tous ces facteurs ont contribué à maintenir la stabilité actuelle du marché en offrant de la vanille de qualité supérieure à des prix réduits par rapport à 2017. On s’attend que la taille de la récolte soit entre 1500 – 1700tm ce qui est mieux que prévu grâce à la maturité de la récolte. Cependant on constate encore une déconnexion entre les acheteurs internationaux, les exportateurs de vanille de Madagascar ainsi que les gens qui en font la cueillette qui les fournissent.
Plusieurs acheteurs avaient prévu une réduction de prix en 2018 et ils attendent encore avec l’espoir que cela se produira dans les mois à venir au fur et à mesure que la vanille invendue s’accumule sur le terrain. Les prix sont encore à des niveaux historiquement élevés et il y a encore une grande possibilité que cela baisse. Il y a trois mois, cela aurait pu être une bonne stratégie, cependant une saison de floraison plus faible pour 2019 jusqu’ici a changé les sentiments sur le terrain à Madagascar. À moins d’une amélioration dramatique de la floraison dans les semaines à venir la demande pour la vanille en 2018 pourrait augmenter considérablement. D’abondantes pluies en août, septembre et pour la plupart d’octobre, ont freiné la floraison. Dernièrement on a vu de l’amélioration mais la plupart des régions nous signalent qu’il y a moins de fleurs par vigne que l’année dernière. La floraison est déjà tardive, et même dans le cas d’une forte reprise on peut dire avec certitude relative que la récolte de 2019 ne produira pas la même qualité ou quantité que 2018. En aucun cas nous suggérons que l’on se dirige vers une hausse de prix, nous voulons simplement vous signaler que le chemin de la relance du marché de la vanille autant à Madagascar que mondialement, ne sera pas sans embûches et contretemps.
Nous avons toujours maintenu qu’ultimement les acheteurs contrôlent la direction du marché de la vanille autant en termes de qualité que de prix. Déjà le manque de préfinancement et la réduction de la demande pour la vanille mûrie rapidement a eu un impact positif sur le marché. De plus, nous croyons que les acheteurs devraient éviter de travailler avec des compagnies incapables de financer leurs propres exploitations, même lorsqu’ils sont tentés par des prix très intéressants. C’est le carburant qui alimente le feu. On peut dire la même chose concernant la demande pour la vanille mûrie rapidement, cette pratique exerce une énorme pression sur les prix des gousses de vanille verte et à notre avis va à l’encontre des meilleurs intérêts des communautés de la vanille de Madagascar, les privant d’emplois dont ils ont tant besoin durant la saison du séchage, mûrissement et la préparation de la vanille.
Bien que les exportateurs et les personnes responsables de la cueillette de la vanille de Madagascar sont souvent blâmés pour les spéculations, le faible contrôle de la qualité et le manque de discipline du marché, ce sont souvent les acheteurs internationaux qui facilitent ce comportement. Récemment on a vu un excellent exemple de cela. Au tout début de cette campagne (juin/juillet) bien avant même que la vanille soit proche d’être prête, une grande quantité de gousses de vanille a été exportée du nord à cause du préfinancement d’un important acheteur mondial d’expérience.
Comment cette vanille a même été autorisée à quitter le pays demeure un mystère surtout quand on sait que la date d’ouverture des exportations était le 15 octobre. Le marché a réagi et il y a eu une hausse fort importante des prix de la vanille verte sur le terrain. Finalement, la vanille a été déclarée de mauvaise qualité et retournée à l’origine pour retraitement. Heureusement, c’était un cas isolé cette saison et le marché s’est calmé peu de temps après. Cependant, la logique derrière cette stratégie d’achat déconseillée est incompréhensible.
Conclusion – En contrôle de la situation
Dans notre dernier rapport, publié en mai de cette année, nous avons mentionné plusieurs choses qui devaient se produire afin de permettre au marché de la vanille à Madagascar de continuer leur parcours correctif vers des prix plus durables et une qualité améliorée. La récolte précoce de gousses de vanille verte a été maintenu sous contrôle donc on a vu une récolte plus grande et de meilleure qualité en 2018. Le préfinancement et la demande pour la vanille mûrie rapidement sont restés sous contrôle. Les élections présidentielles n’ont pas produit de problèmes sociaux et avec un peu de chance les choses demeureront ainsi à travers la 2ième récolte décisive du 19 décembre. La pratique d’emballer sous-vide la vanille partiellement mûrie est encore un gros problème mais pas aussi répandue que les saisons précédentes. Ce sont là tous des développements très positifs. On constate un retour à un état de normalité au marché et nous croyons que les acheteurs doivent faire leur part afin de faire progresser les choses dans la bonne direction.
Nous ne pouvons prédire l’imprévu mais une démarche d’achats disciplinée doit être maintenue car nous croyons qu’il y aura suffisamment de vanille pour satisfaire la demande mondiale en 2019, même si la prochaine récolte à Madagascar est un peu moins grande. Ignorez les alarmistes qui essaient d’exciter le marché à chaque fois qu’un cyclone se développe dans l’océan Indien. Supportez les vendeurs qui ont la capacité de financer leurs propres exploitations et partagez le risque. Résistez aux offres de prix qui ne vous semble par réalistes
car il est fort probable qu’elles ne le soient pas. Encouragez les vendeurs de fournir des gousses de vanille séchées et mûries de la façon traditionnelle ce qui bénéficie les communautés de la vanille à Madagascar. Le marché Mondial de la vanille a terriblement souffert depuis les trois dernières années. L’opportunité de faire marche arrière et de retourner à une approche à long-terme plus durable et viable repose carrément dans les mains des acheteurs internationaux. Nous sommes prudemment optimistes que le pire est désormais derrière nous.
Aust & Hachmann (Canada) Ltd
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